samedi 5 décembre 2015

Death Valley - Encore une fois...

À chaque fois que nous sommes allés à Death Valley, nous en sommes revenus enchantés et avec une envie encore plus grande d'y retourner. Ce parc est immense et comprend en fait plusieurs vallées séparées par des massifs montagneux. En préparant nos visites, nous nous sommes rendu compte que la plupart des sites intéressants ne sont pas répertoriés dans la documentation officielle du parc et qu'il faut vraiment passer du temps sur le Web pour découvrir les merveilles qu'il recèle. Cet état de fait est voulu pour probablement tenter d'éviter que des imprudents s'aventurent trop loin des sentiers balisés et risquent leur vie lorsque la chaleur est suffocante et l'humidité quasi nulle, mais c'est aussi une manière de protéger les sites et notamment les vestiges préhistoriques indiens.

Désert, vestiges, indiens, "trésors" cachés, voilà qui ne pouvait qu'aiguiser notre curiosité et nous inciter à creuser l'affaire...


Les pétroglyphes représentant des femmes enceintes à Saline Valley
Lors de précédentes recherches sur les pétroglyphes indiens, nous avions découvert les livres et le site Web de Death Valley Jim, personnage intéressant et haut en couleur qui court les déserts de l'ouest américain depuis des années et revendique de n'être jamais allé plus au nord que Bishop car "il y a vraiment trop d'arbres là-bas !" Jim a écrit plusieurs livres sur les sites qu'il a visités et parfois même découverts ; ces ouvrages sont très mal vus par les services du parc car ils donnent des indications trop précises sur les lieux décrits. Constatant que cette personne était une vraie mine de connaissances, nous sommes vite devenus des fans inconditionnels de Jim : livres, page Facebook, site web, podcasts, ... avec le rêve de l'engager comme guide pour une nouvelle virée dans le désert. L'occasion s'est finalement présentée le mois dernier. 


Le bat-totem qui signale l'arrivée aux sources
Patricia et moi avions été fascinés par un article de Jim sur des pétroglyphes représentant des femmes enceintes et des condors. Avec les indications figurant dans celui-ci et l'aide de Google Earth, nous étions quasiment certains d'avoir localisé les fameuses falaises blanches servant de support aux gravures, mais celles-ci se situaient dans une zone accessible uniquement en 4x4, donc hors de portée de notre Nissan. L'étude des images dans Google Earth nous a révélé que pas loin du site se trouvaient des sources chaudes et un camping accessibles avec notre véhicule. Rendez-vous fut donc pris avec Jim pour une visite sur deux jours. Nous avions précisé que nous voulions voir les pétroglyphes mais lui avions laissé carte blanche pour organiser le restant du temps.

L'accès aux sources chaudes se fait via une piste de 80 km et il faut bien compter un minimum de trois heures pour la parcourir. Après une dizaine de km nous sommes tombés sur un couple de touristes attendant près d'un véhicule avec un pneu en lambeaux. Leur voiture de location était dépourvu de cric ! C'est le genre de mésaventures banales qui peut tourner au tragique en plein été si l'on n'a pas suffisamment d'eau (les touristes en question n'avaient visiblement que quelques canettes d'Ice Tea). De notre côté, nous partons toujours avec une roue de secours en plus de la roue "galette" standard, plus une bombe anti-crevaison.
L'un des bassins alimentés par la source Palm Spring

Après les kilomètres de piste au milieu de désert, on contourne "Salt Lake", puis il faut prendre à droite une nouvelle piste improbable, juste signalée par un morceau de chenille de tank. On traverse alors la vallée jusqu'à un curieux totem orné de chauve-souris qui signale l'arrivée aux "Lower Hot Springs", véritable oasis avec palmiers et pelouse. Un peu plus haut, nous atteignons notre destination aux "Middle Springs". Ces sources sont une curiosité ; elles ont été aménagées dans les années 60 par quelques hippies et sont maintenant toujours entretenues par une communauté de bénévoles, plus où moins tolérée par le Parc National de Death Valley. On y trouve des bassins, des baignoires, des douches, ainsi que les toilettes sèches les plus propres que nous ayons jamais vues ou plutôt senties ! Les habitués des sources se baignent généralement tout nus, mais le maillot de bain ne pose pas de problème... Et franchement, quel délice de faire trempette dans cette eau à 38-40 degrés, la tête sous les étoiles, après une journée de randonnée ou de "secouage" en Jeep !

Nous sommes arrivés en même temps que Jim, un peu avant la tombée de la nuit. L'installation fut compliquée par un vent très fort et plutôt froid qui nous a empêchés de monter la grande tente. Le vent dans le désert est particulièrement pénible car la poussière de sable s'insinue partout et recouvre tout.
Patricia devant les "Upper Hot Springs"
Le lendemain matin, nous partons en Jeep avec Jim en direction des "White Cliffs" et nous constatons très vite que l'accès aurait été impossible avec notre voiture. Nous faisons une halte aux "Upper Hot Springs" qui ne sont pas aménagées et se présentent donc comme une oasis naturelle, malheureusement un peu gâchées par un horrible grillage sensé les protéger des ânes sauvages. Après encore quelques kilomètres en Jeep, nous nous arrêtons et nous nous dirigeons à pied vers des falaises blanches. Petite satisfaction personnelle ; elles se trouvent bien à l'endroit que nous avions localisé sur Google Earth. Nous rentrons dans le canyon et Jim nous montre les pétroglyphes représentant des femmes enceintes avec un ventre tout rond et un nombril bien creusé. Nous sommes ravis ! Jim précise qu'il ne connait qu'un seul autre site avec ce genre de représentations et qu'il se trouve également dans des falaises blanches ; est-ce une coïncidence ? Qu'elle est la signification des gravures ? Sanctuaire dédié à la fertilité ? Maternité ? Beaucoup de questions et pas de réponses ; juste le plaisir d'imaginer ce peuple gravant la pierre il y a peut-être des milliers d'années. Nous sommes d'ailleurs étonnés de constater à quel point il y a peu d'informations, comme si les archéologues étaient démunis face à ces sites.


Les condors
Un tout petit peu plus loin dans le canyon, Jim nous montre une grande fresque avec des condors dont les poitrails ont été piquetés. Ces représentations  sont étonnantes puisqu'il n'y a actuellement plus de condors dans cette région. Mais, pour avoir eu la chance d'observer un condor californien au Grand Canyon, nous pouvons facilement imaginer que cet oiseau majestueux  ait pu marquer l'esprit des artistes indiens.

A proximité de la fresque, un cercle de pierres adossé à la falaise est certainement un vestige du peuple qui a gravé les pétroglyphes il y a quelques siècles. Et puis partout, des éclats d'obsidienne sont aussi les témoins de l'activité humaines passée. Quand on pense que ce matériau n'existe pas dans la région, on se prend à imaginer les échanges qui ont dû avoir lieu entre les peuples au gré des migrations et des explorations. Ces morceaux d'obsidienne devait représenter un trésor fabuleux pour les gens de Saline Valley, contre quoi les échangeaient-ils ?
Cercle de pierre dans "Hunter Canyon"
L'après-midi, Jim nous emmène de l'autre côté de la vallée à "Hunter Canyon". Nous sommes d'abord surpris de voir de l'eau, pas mal d'eau... et Jim nous précise que les sources coulent toute l'année. Ce n'est donc pas si étonnant de trouver les restes d'un village indien. Oh, on peut facilement passer sans les voir, mais quand on nous montre les cercles de pierres, les meules, les pétroglyphes et les tombes, alors tout devient clair. Des centaines d'indiens ont vécu ici, les derniers ont parait-il coexisté avec les mineurs jusque dans les années 50. 


Des pétroglyphes plutôt abstraits
Jim nous explique que les cercles de pierres sont les fondations sur lesquelles s'appuyaient des assemblages de bois qui formaient les tipis. Jim connait l'endroit comme sa poche, il nous emmène d'un site à un autre en nous décodant les traces du passé. À un moment, il y a tellement de pétroglyphes autour de nous qu'il est difficile de ne pas marcher dessus. Nous voulions en voir, nous voilà servi... Les tombes sont particulièrement émouvantes, des centaines de gens ont été enterrés ici ; combien de deuils, combien de drames ? Mais on se dit aussi qu'il devait faire bon vivre quand le climat était moins chaud, que le lac était plein et que les sources coulaient au milieu des champs et que les "bighorns" étaient abondants.

En fin d'après-midi, nous rejoignons notre campement ; réparation et montage de la grande tente puisque le vent est tombé, et... trempette dans les sources chaudes, un véritable délice ! Nous ne savons pas exactement ce que Jim nous réserve pour le lendemain, il nous parle juste de pictographes.
Les pictographes de "Hidden Valley"
Nous repartons le matin, direction le "South Pass" par lequel nous sommes arrivés l'avant veille. Nous nous arrêtons pour observer quelques pétroglyphes que Jim nous avoue avoir découvert en allant faire pipi, puis nous rejoignons "Hidden Valley", Patricia en saute presque de joie. C'est l'un des endroit les plus isolés du parc, nous en rêvions, mais nous pensions ne jamais avoir l'occasion d'y aller. La route est éprouvante et nous sommes secoués dans tous les sens, puis finalement Jim arrête la Jeep et nous emmène au milieu des buissons de créosote (larrea tridentata), des cactus et des Joshua Trees. 
Un bighorn bien discret se cache sur ce rocher...

Finalement, il contourne un massif rocheux et nous désigne une petite grotte dons les parois sont couvertes de dessins réalisés avec un pigment rouge, parait-il fabriqué à partir d'argile et d'urine. Les motifs sont surtout des grandes lignes plus ou moins parallèles qui me font un peut penser aux gravures de condor vues la veille. On trouve aussi  des ovales striés évoquant des empreintes de mocassins (?). Jim nous dit avoir trouvé des branches de sauges brûlées qui lui font penser que l'endroit est encore fréquenté aujourd'hui pour des cérémonies traditionnelles. Nous observons les alentours et Patricia repère un splendide pétroglyphe représentant un bighorn que Jim, n'avait jamais vu. Mathilde, de son côté, trouve plein de morceaux d'obsidienne.


Racetrack playa
Pour le retour, Jim nous propose d'emprunter une autre route via Teakettle junction et Racetrack Playa, l'endroit où les pierres bougent toutes seules. Nous avions visité ces sites lors de notre dernier périple, mais nous sommes ravis de les revoir et de les faire découvrir à Mathilde. Nous rejoignons ensuite Saline Valley par la fameuse Lippincott road, réputée être particulièrement dangereuse. En fait, la piste est vertigineuse mais bien moins mauvaise que ce que nous pensions.


Beveridge cabin
Jim a encore un site qu'il veut nous faire découvrir, il s'agit de "Beveridge canyon" ; pas de pétroglyphes ici, mais une maison de mineurs abandonnée en l'état et des cascades. La maison est incroyable, tout le matériel a été laissé sur place, la porte est ouverte et les visiteurs laissent juste un mot dans un registre pour indiquer qu'ils sont passés. Jim nous explique que durant la deuxième guerre mondiale tout le pays s'est recentré sur l'essentiel et beaucoup de mines de Death Valley ont été abandonnées du jour au lendemain. Ce fut un peu un choc pour moi de prendre conscience de cette réalité, l'école m'avait un peu fait croire que les américains avaient débarqués "comme ça" en Normandie sans préparation et presque sans efforts de la part de la population restée sur place. En regardant cette maison à l'entrée du canyon, on imagine la tristesse de ces gens qui avaient mis tout leurs espoirs dans l'exploitation minière au cœur d'un endroit magnifique et qui ont dû tout quitter. 
La deuxième cascade de Beveridge canyon

En crapahutant dans les rochers, nous atteignons finalement la première puis la deuxième cascade. Jim nous dit qu'il y en a quatre, mais nous n'avons pas le temps et probablement pas la dextérité nécessaire pour rejoindre les deux autres. 

Au delà des cascades, il y a aussi la ville fantôme de Beveridge, accessible uniquement pour les plus téméraires après deux jours de marche difficile. Nous y pensons sérieusement pour une prochaine fois... Mais pour l'instant nous retournons simplement au campement pour un bain dans les sources chaudes. 

C'est probablement la plus belle visite que nous ayons faite dans Death Valley. 


Notre campement à Palm Spring 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire